du nouveau-né à l’adulte

Institut Mutualiste Montsouris
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Grossesses et cardiopathie congénitale

Le docteur Gouton est spécialiste du suivi des femmes enceintes atteintes d’une cardiopathie congénitale. Elle reçoit les patientes avant le projet de grossesse, pour évaluer les difficultés éventuelles et mettre en place le protocole de suivi tout au long de la grossesse.

par Marielle Gouton


La survenue d’une grossesse chez une patiente suivie pour une cardiopathie congénitale peut poser différents problèmes, avec un surcroît de risque par rapport à la population générale, à la fois pour la mère et pour le foetus, justifiant une consultation pré-conceptionnelle afin d’anticiper les difficultés possibles.

1) La mère

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Il existe un surcroît de risque pour la mère du fait des modifications physiologiques (c’est-à-dire normales) liées à la grossesse, qui peuvent être délétères pour un cœur opéré :

  • augmentation du volume sanguin
  • augmentation de la fréquence cardiaque
  • augmentation du débit
  • modifications de l’hémostase
  • hémodilution

Il existe un risque accru de mortalité
(sur les 2 tableaux ci-dessous, la colonne CHD correspond aux cardiopathies congénitales : congenital heart diseases :

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Et un risque accru de morbidité (c’est-à-dire d’événements cliniques, comme l’insuffisance cardiaque et les troubles du rythme)

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Référence : Roos-Hesselink - Eur Heart J 2013 ; 34 : 657-65 ROPAC registry

Décompensation cardiaque :

  • Si la contraction du cœur est altérée
  • S’il existe un obstacle à la sortie du cœur
  • S’il y a une fuite importante sur une valve
  • Du fait de l’arrêt de certains traitements incompatibles avec une grossesse

Trouble rythmique :

  • Par distension du cœur (augmentation de la volémie)
  • Sur les anciennes cicatrices chirurgicales

Problème de thrombo-embolie :

  • En cas d’arythmie
  • En cas de prothèse mécanique
  • En cas de chirurgie de type Fontan – DCPT
  • En cas de cardiopathie cyanogène

Classification de l’OMS
L’OMS a classé l’ensemble des cardiopathies, acquises ou congénitales, en 4 classes de risque, la classe IV contre-indiquant a priori la grossesse :

  • HTAP
  • Dysfonction ventriculaire gauche sévère (FE<30 % ; NYHA III-IV)
  • Rétrécissement Mitral serré,
  • Rétrécissement aortique serré symptomatique
  • Maladie de Marfan avec aorte ascendante dilatée > 45 mm
  • Bicuspidie aortique avec aorte ascendante> 50 mm
  • Coarctation aortique native

Voici un tableau de la classification de l’OMS adaptée aux cardiopathies congénitales :

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2) Le bébé

Le devenir fœtal dépend de la cardiopathie maternelle, de la fonction systolique du ventricule systémique, de la classe fonctionnelle, de la cyanose, de la prise d’anticoagulants

Sur le diagramme suivant issu d’un article de sont reportés les chances de grossesses aboutissant à la naissance d’un enfant vivant (« Completed pregnancies »), les risques de fausses-couches (« Miscarriages ») et le pourcentage d’interruptions volontaires de grossesses (la plupart du temps, thérapeutiques) :

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Référence : Drenthen W - J Am Coll Cardiol 2007 ; 49 : 2303-11

Traduction des sigles :
ASD : Communication inter-auriculaire ; VSD : communication inter-ventriculaire ; AVSD : Canal atrio-ventriculaire ; PS : sténose pulmonaire ; AOS : sténose aortique ; CC-TGA : double discordance ; TGA : transposition des gros vaisseaux ; TOF : tétralogie de Fallot ; PAVSD : atrésie pulmonaire à septum ouvert ; cyanotic : cardiopathie cyanogène ; Overall : total

L’existence d’une cyanose chez la mère est de mauvais pronostic pour le bébé : le taux de naissance vivante est d’autant plus bas que la saturation cutanée de la mère est basse. Ainsi, lorsqu’il existe une cyanose, il est préférable de la corriger avant la grossesse, lorsque c’est possible.

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3) Adapter le traitement maternel

Certains médicaments à visée cardiologique pour la mère peuvent être toxiques pour le fœtus, entraînant des malformations ou des dysfonctionnements chez le bébé. Il faut alors adapter le traitement maternel, parfois avant le début de la grossesse.
C’est une des raisons qui justifie la consultation pré-conceptionnelle, notamment pour anticiper l’arrêt de certains traitements et vérifier la stabilité clinique malgré l’arrêt de ces traitements.

  • IEC et ARA II (sartans) : formellement contre-indiqués pendant toute la grossesse (idéalement, les stopper avant le début de la grossesse)
  • Lasilix : pas contre-indiqué, mais oligoamnios
  • Bêta-bloquants : préférer le propranolol comme anti-arythmique ; le métoprolol ou le bisoprolol pour l’insuffisance cardiaque
  • Anti-arythmiques : pas de problème avec la digoxine ; avec l’amiodarone, risque d’hypothyroïdie fœtale
  • Aspirine : pas de problème

Cas particulier du traitement anticoagulant pour les prothèses mécaniques

Plusieurs difficultés doivent être prises en compte :

  • Du fait de la modification physiologique de la coagulation dès le début de la grossesse, les patientes ont un risque accru de thromboses
  • Les AVK (Sintrom, Préviscan, Coumadine) passent la barrière placentaire et sont à risque d’embryotoxicité et de foetotoxicité
  • L’héparine ne passe pas la barrière placentaire : pas de risque pour le fœtus
  • Chaque relai AVK-héparine ou héparine-AVK est à haut risque de thrombose de prothèse (10-20 % selon les études)

Risque maternel  : le tableau résume les risques en fonction du protocole choisi
Traduction des sigles : AVK : anti-vitamine K HNF : héparine non fractionnée ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire

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Par ailleurs, risque important d’hémorragie lors de l’accouchement (environ 23 %)

Risque fœtal des AVK (warfarine)

  • Fausse couche ou perte fœtale : 33 % au 1er trimestre
  • Embryopathies lors du 1er trimestre (# 8 %), surtout avant la 9è semaine
    • Hypotrophie
    • Hypoplasie des os du nez, hypertélorisme,
    • Anomalies osseuses (épiphyses ponctuées)
  • Foetopathies (micro-hémorragies cérébrales répétées ?)
    • Anomalies oculaires
    • Anomalies neurologiques (micro-céphalie, retard mental…)
  • Dose-dépendant (si > 5 mg de warfarine)

Conduite à tenir avant la grossesse :

  • Choisir avec la patiente le schéma thérapeutique
  • Décider des modalités d’accouchement : Relai AVK – héparine selon des protocoles stricts en milieu hospitalier

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4) L’accouchement

  • Au cours de l’accouchement, le débit cardiaque augmente de façon très importante, jusqu’à 50 % au moment de la phase d’expulsion, qui se régularise en 15 jours : 250 ml de sang injecté dans la circulation générale à chaque contraction
  • La voie basse est toujours préférée : bien tolérée, moins de risque hémorragique, moins de risque pour le bébé
  • L’oxygénothérapie est fortement conseillée dans les cardiopathies cyanogènes
  • Dans certaines cardiopathies, la voie basse doit être évitée, ou alors il faut éviter absolument les efforts expulsifs (forceps, césarienne) :
    • Obstacle sur le cœur gauche :
      • Rétrécissement aortique
      • Myocardiopathie obstructive
      • Coarctation non opérée
    • Anévrysme de l’aorte
    • Obstacle serré sur le cœur droit
    • Dysfonction ventriculaire

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5) Les suites de couche

  • Les suites de couches doivent être bien surveillées pour éviter les risques de surinfection et les problèmes thrombo-emboliques (jusqu’à 6 semaines post-partum pour les Eisenmenger).
  • L’allaitement maternel est possible en cas de cardiopathie bien tolérée et en dehors de prise médicamenteuse contre-indiquant l’allaitement.
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  • La contraception
    • Oestro-progestative
      • Efficace dans presque 100 % des cas
      • Pas recommandée en cas de haut risque thrombo-embolique
    • Progestative pure (orale ou implant) : non thrombogène
    • DIU (stérilet) : pas de risque thrombogène. Risque infectieux. (Risque de collapsus chez les Fontan ou HTAP)

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Voir le support de communication Peut-on avoir un enfant lorsqu’on a une cardiopathie ? présenté lors de la journée du 4 mars 2017 à l’Institut Mutualiste Montsouris.